Cèdre du Liban
D’après Erri De Luca, Le poids du papillon
Splendide et puissant, j’ignore ton nom. Mais tu es très familier, je te croise quand je vais travailler. Tu as toujours été là, au milieu des fous. Quelle belle idée que d’avoir arboré le domaine de cet hôpital qui soigne la folie.
Ton tronc large et solide rassure les âmes angoissées. Tes branches nombreuses et tombantes sont autant de liens qui raccrochent à la réalité les esprits tourmentés. Tes feuilles argentées et dentelées mettent à l’abri celles et ceux qui sont desséchés d’avoir trop pleuré.
Au milieu des bâtiments centenaires, fier et rassurant, tu t’exposes, tu te montres, tu t’imposes, face à la souffrance de l’Homme, à ces humains hospitalisés. Tu offres un peu de réconfort, de la sérénité à qui en a besoin. Tu incarnes la générosité. Tu les regardes passer, sans jamais les juger, ces fous que la société rejette. Pour les arbres, il n’y a pas de normalité. Juste l’instinct de vivre, de s’enraciner pour être plus solide et résister aux tempêtes. Au fil des années tu t’es développé. Tu as embelli, pris plus de place. Tu t’es majestueusement déployé.
Je vais te confier un secret. Longtemps j’ai cherché ma place dans la société. J’étais une petite pousse que le vent faisait plier, mais sans jamais se rompre. J’ai lutté contre les attaques de ceux qui voulaient me façonner pour entrer dans un moule que je n’ai jamais épousé. Car la normalité m’ennuie, la bienséance m’épuise, l’hypocrisie me ronge. Je pense que grandir ce n’est rien de plus que, comme toi, s’enraciner. Avoir de solides fondations pour défendre ses idées. Semer au vent son amour de la vie et s’offrir au regard des gens sans peur de leur jugement.
Maintenant je vis telle que je suis. Dans une société que je trouve folle.
Un très beau texte Marie, peut être une dernière phrase un peu sombre. je m’en souviens, tu m’avez parlé de cet atelier d’écriture.
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